Les aventures imaginaires de Mme Le Turf, habitante de Bréhat
Tout est imaginaire – Enfin peut être !
C’est Mardi, retour de Paimpol. Madame Le Turf hisse avec peine son caddie plein dans le bus et s’effondre à la première place libre : La chaleur soudaine de ces derniers jours, le poids des provisions, la course pour ne pas manquer le car, et sa tête tourne légèrement : elle en oublie de regarder qui est aujourd’hui monté avec elle.
De toute façon, elle n’a pas envie de parler.
C’est quand on commence à rouler qu’elle se sent mieux, tout à coup, qu’elle commence à se détendre et remarque ce qu’elle n’avait pas vu à l’aller : « C’est le printemps, les branches bourgeonnent, mon jardin va retrouver ses couleurs…. »
Ses yeux se ferment, présent, passé, tout de dilue dans une douce euphorie.
« Finalement, tout s’est bien passé avec Jean –Claude, il n’a pas été trop difficile à élever, il faut dire que j’ai toujours été compréhensible avec lui, juste ferme comme il faut ; C’est un bon gars, malgré quelques embrouilles et des relations qui me plaisaient pas trop. Mais j’ai su y faire. »
Le car s’arrête et prend quelques passagers ; Elle est toujours dans son monde intérieur et tout lui donne raison. :
« Bientôt ce sera Bréhat, quand je pense que j’ai failli quitter mon île, une dizaine de jours avec Mario dans une autre, ça m’a bien suffi, ma maison me manquait trop, Peut- être qu’un jour j’y serai avec mes petits enfants, si Jean Claude se décide enfin à me montrer sa promise pour qui il se fait beau tous les Samedis … »
Des grincements de freins, c’est le feu de Ploubazlanec, Madame Le Turf est presque endormie maintenant : Des voix lui parviennent du fond du Bus, des mots étranges, « Presse », « Passer au Sud », « Déménager », mais ces mots ne se mêlent pas à ses rêves ;
On s’arrête, c’est l’Arcouest ; « Alors Eliane on a bien dormi » ? c’est la voisine de gauche qui vient l’aider à sortir le caddie.
« T’as pas entendu de quoi on a parlé pendant le trajet ? demande donc à ton fils, mieux vaut que ça soit lui, on en reparle demain… »
« Qu’est ce que c’est donc que toutes ces carabistouilles? » pense-t-elle en rangeant ses provisions…
Mais voilà Jean-Claude, tout guilleret, sifflotant, ça n’est pas dans ses habitudes, ça.
« Tu vas pas me croire, maman, je déménage au Sud ! La Presse elle va déménager, on quitte le Nord ! »
Les mots se bousculent maintenant, il mélange tout, les quand, les pourquoi, les comment, sous l’œil hébété, incrédule, interdit de sa mère. Il est hors d’haleine, pour une fois elle ne va pas l’interrompre,
« On sera plus isolés, on aura le temps d’aller au Chardon comme tout le monde, boire une petite bière quand on aura soif, et puis surtout, les touristes, Ah les touristes, les voir enfin ! Tu te rends pas compte, toi, ce que c’est dans le Nord, où on voit jamais passer personne Là ma vie, elle sera pas à comparaître !!
Même que comme la Presse elle sera juste sur le chemin de St Michel, on en verra des touristes ! Et peut être que certains, ils seront tellement contents de nous voir au travail qu’ils auront même plus besoin d’y aller, à St Michel !!! Depuis le temps qu’on en peut plus, mes copains et moi, de leur Littoral avec des Lois à rien y comprendre et qui changent tout le temps, de leurs Points de Vue, des choses à voir, et nous, alors, c’est pas intéressant, ce qu’on fait ????.
Y’en a qui disent, et le bruit, et les odeurs ?? Mais comme il dit le Chef, « Le bruit, c’est quand on écoute, et les odeurs, les gars, y’en aura pas, c’est un nouveau système, on ajoute un comprimé chimique. » qu’il dit le Chef, et voilà, c’est comme si tu respirerais le Printemps ! Même toi au bourg, Maman, tu sentiras le Printemps… »
Madame Le Turf, (accablée)
« Le Chardon Bleu, les bières, les filles, les copines… C’est donc ça ta vie ? C’est pas ça que je rêvais ce matin… On dirait qu’il n’y a plus que cela dans ta tête ?
Ah, on est pas aidé, çà pour sûr, on est pas aidé …. »