Collecter par caissons enterrés, donc, sans impact visuel, souples pour les usagers et la commune et faciles à évacuer sur le continent.
Antoine Tartault
Depuis les cinquante dernières années les ordures ménagères ont été un sujet brûlant pour chacune des municipalités successives. Que ce soit l’enfouissement sauvage à Chicago, l’incinération polluante ou le compactage bactériologique, les ordures de Bréhat n’ont jamais eu bonne presse (sans mauvais jeu de mots)… Pourtant la plupart des communes de France ont trouvé des solutions simples et n’ont jamais traité ce sujet comme s’il s’agissait de recycler des déchets radioactifs.
La définition d’« ordures ménagères », dites OM, est simple : ce sont des « déchets issus de l’activité des ménages pris en charge par les collectes usuelles ». Pour une commune continentale, l’organisation de la gestion des collectes et du traitement des OM est tellement simple qu’elles ont pu accentuer le tri sélectif pour favoriser la valorisation des déchets.
Alors quelles sont les difficultés pour notre île ? Elles sont nombreuses mais certainement pas insurmontables.
La collecte
Commençons par un état des lieux. La production annuelle de déchets représente 1800 m3 pour notre commune. Même si des tentatives de diminution de volume ont fait leur preuve (notamment le compostage ou la sensibilisation des touristes par la commune à repartir avec leurs déchets), cela reste un volume important et croissant surtout à cause du conditionnement alimentaire (portion individuelle, plat préparé, emballage de fruits en barquette, etc.). Face à ce constat, la seule façon de réduire le volume d’OM – les matières organiques nécessitant un traitement rapide dans les 4 jours-, c’est le tri. Mais Bréhat, par sa surface, son réseau routier et sa particularité touristique, rend la tâche difficile : des résidents secondaires venus juste un week end aux locataires ne maîtrisant pas le calendrier des ramassages ou aux touristes à la journée. La collecte est donc l’enjeu majeur. Il faut tirer un trait sur le système en place et repartir d’une page blanche car tout se joue là-dessus.
Il faut avoir une réflexion globale sur les points de collecte et arrêter le porte à porte trop long et trop coûteux. Il faut mettre en œuvre une carte des points de collecte nombreux et bien dimensionnés pour assurer le stockage des OM (y compris celui du flux touristique) et le tri sélectif. La solution de bornes en dépôts volontaires avec conteneurs enterrés a été choisie par de nombreuses communes de centre-ville et a fait ses preuves et ce pour deux raisons principales : la quantité de stockage sans impact visuel et environnemental et la possibilité de lisser les collectes des déchets recyclables. Cette solution permettra aux usagers de déposer leurs ordures et déchets recyclés à tout moment et à la collectivité de stocker et gérer les flux.
En répartissant 12 à 14 sites de dépôts volontaires dans l’île, chaque usager aura de moins de 300m à faire pour déposer ses ordures et faire son tri et pourra le faire à toute heure, cela existe d’ailleurs déjà pour les verres et les ferrailles. Ce système, équipé de bacs en plastique étanches, permet un ramassage rapide, les bornes sont condamnables et peuvent être ouvertes pour augmenter le volume en fonction des périodes. À titre d’exemple, on pourrait ouvrir trois bornes d’OM en été et une en hiver.
Ce type de points de collecte permet de stocker une quantité très importante de déchets sous terre tout en évitant les odeurs et l’accès aux rongeurs et animaux. Si chacun des 12 sites est équipé de 2 à 3 bornes de 3 m³ d’OM, c’est 108 m³ de stockage possible soit 6 jours de collecte en pleine période estivale.
Le transport maritime : un problème ?
Si le système de collecte est bien dimensionné par hameaux, le problème de stockage est résolu, reste l’évacuation sur le continent.
Le système retenu pour le transport maritime doit être normalisé et compatible avec les camions continentaux. Il n’est aucunement nécessaire de conditionner d’une manière particulière par compactage ou autre. En effet le volume étant faible et les caissons adaptés à l’île petits (20 à 25 m³ maximum), la rotation des caissons sur le continent reste la même, que l’on compacte ou non les OM. Partons de l’exemple d’une production estivale de 20 m³ par jour, une fois compactée dans un caisson de 20 m³ le volume de déchets passe à 15 m³, on ne peut pas mettre deux jours d’OM dans un caisson, même compactées, il faut quoi qu’il arrive évacuer un caisson par jour, le compactage est donc inutile. En période hivernale, un caisson par semaine non compacté suffit.
Le facteur maritime a toujours été mis en avant comme étant le point faible de la gestion des déchets, c’est pour cette raison que la solution de la presse à ordure a été retenue car le stockage des balles d’ordures permettait de lisser le transport dans les périodes hivernales. Les OM représentent 240 tonnes par an en moyenne dont 40% sont générées en juillet-août et 27% – soit 65 tonnes- durant les 6 mois d’hiver (d’octobre à avril). À titre de comparaison et pour donner une échelle à ce tonnage, la barge de Bréhat a une charge utile de 30 tonnes, celle de Bréhat logistique transporte quotidiennement 24 tonnes et jusqu’à 36 tonnes en haute saison, il faut donc l’équivalent de 8 barges pour venir à bout des 240 tonnes d’OM annuelles.
En résumé il s’agit donc d’évacuer une fois par semaine d’octobre à avril 2,8 tonnes d’OM et 3 fois par semaine, de mai à octobre, 2,4 tonnes avec un pic de 5 fois par semaine en juillet-août. À titre indicatif une palette de ciment ou un big bag de sable pèse 1,5 tonnes.
De plus les navires dans le sens Bréhat-continent sont, la plupart du temps, vides. Le problème du transport maritime n’en n’est donc pas un avec deux navires assurant la liaison régulière avec le continent.
Où décharger ?
Le volume des OM de l’île n’est donc pas un problème si la gestion de la collecte est efficiente et si le tri sélectif est opérationnel au plus vite car ce dernier diminuera encore le volume de 20 à 30 % des déchets à traitement rapide. Les capacités de transport maritime sont aussi à la hauteur et le flux tendu (le transport immédiat suite à la collecte, sans stockage) est parfaitement envisageable sur des tonnages aussi faibles. Le format des conteneurs de 20 à 25 m³ standard compatible avec les camions continentaux est suffisant pour l’ensemble de l’activité, cette formule est d’ailleurs déjà en service pour l’évacuation de boues de la station d’épuration depuis de nombreuses années.
Reste le lieu de chargement sur la barge. Remplir le caisson sur le bateau comme pour les encombrants ou le verre reste la solution la plus simple, en effet les points de collecte sont équipés de bacs plastiques de 3 m³ que l’on peut vider directement sur le bateau, nul besoin de sites dédiés, le caisson imposant n’est pas transporté sur l’île, tout se fait au bas de l’eau, sur le bateau, les bacs de tri sélectif peuvent être stockés à Chicago comme les bacs des encombrants en attendant un volume suffisant. Cette solution reporte les investissements sur les points de collecte et répond au problème de stockage, de poubelles débordantes et inesthétiques. Inutile de créer un site de conditionnement coûteux demandant de longues démarches administratives et induisant des problèmes de voisinage. Une solution simple, dans l’air du temps, pouvant être mise en œuvre au plus vite.