Bréhat expliqué aux touristes.

Quelques panneaux explicatifs et Bréhat devient un livre ouvert et passionnant

Jean-Michel Corre, guide touristique

Bréhat, un parc d’attraction ? Avec cette question un peu provocatrice, je profite de l’opportunité qui m’est donnée d’écrire dans ce journal pour évoquer un paradoxe que j’ai du mal à comprendre: d’un côté, un discours, entendu à de nombreuses reprises qui consiste à dire, pour le résumer en quelques mots «les touristes consomment Bréhat et s’en vont», et de l’autre côté, le fait qu’il n’existe sur l’île rien qui puisse changer cela.

Depuis longtemps j’ai en tête un petit test que j’aimerais mettre en place: apostropher les visiteurs d’un jour avant qu’ils ne montent dans le bateau du retour, en leur posant une seule et unique question: « Madame, Monsieur, vous venez de visiter l’Ile-de-Bréhat, êtes-vous au courant qu’il s’agit du 1er site classé en France ? ». Sans avoir fait le test, il est très facile, pour tous ceux qui ont déjà évoqué ceci avec des touristes, de deviner qu’on serait à 80-90% de personnes qui répondraient par la négative. On peut me répondre qu’il existe un panneau pour expliquer cela, et qu’ils n’ont qu’à ouvrir les yeux en marchant. Je pourrai alors répondre que la plaque évoquant tout ceci n’est peut-être pas placée de manière à être vue. Mais qu’importe, ça n’est qu’un exemple.

On peut s’en donner d’autres rapidement :

Combien de touristes comprennent pourquoi la Chapelle St Michel est en blanc avec des tuiles oranges?

Quand ils passent dessus, combien se rendent compte que «c’est ça, le Pont Vauban »?

Ce que j’essaie de dire c’est que j’ai le sentiment que les visiteurs de l’île sont livrés à eux-mêmes quand ils viennent à Bréhat. Dans cette masse incroyable, il est sans doute vrai que certains viennent faire leur balade, profitent des paysages, et repartent aussi vite qu’ils sont arrivés. Mais c’est une grave erreur de penser que tous agissent comme cela. Il y a dans les visiteurs de Bréhat, énormément de gens qui aimeraient connaître et comprendre cette île, son histoire, et la vie de ses habitants. Pour en capter quelques-uns par le biais des balades guidées, je me suis rendu compte en discutant avec eux que beaucoup regrettent le trop peu d’informations mises à leur disposition.

Bréhat a une Histoire incroyablement riche. Les bréhatins doivent en être fier, et doivent se rendre compte qu’elle intéresse les gens qui viennent se promener ici. Se tourner vers les gens, leur donner des informations, permettrait d’estomper ce sentiment désagréable parfois éprouvé d’être «pris pour Disneyland». Bréhat n’est pas un parc d’attraction. Et si certains ne s’en rendent pas compte d’eux-mêmes, alors il faut «aller vers eux» pour leur ouvrir les yeux.

Alors après, vient la question du comment. Je suis sûr que beaucoup ont des idées, j’aimerais en évoquer une.

De nombreux de sites sur l’île mériteraient d’avoir leur Histoire expliquée. Comme il me semble difficile de poster une personne tous les jours de l’année sur chacun de ces lieux, ne pourrait-on pas envisager d’installer des panneaux afin d’assurer cette mission pédagogique et culturelle? Cela s’est fait ailleurs, pourquoi pas à Bréhat? Et qu’on ne réponde pas que c’est compliqué de le faire. Il existe aujourd’hui énormément de modèles de panneaux de ce genre, en bois notamment, se fondant parfaitement dans le décor. Ne partons pas non plus dans l’excès de dire «il va y avoir des panneaux partout, devant chaque maison !». Non, j’évoque simplement l’idée de 10-12-15 panneaux, sur des lieux dont on sait qu’ils intéressent les visiteurs. Il faut mettre en valeur le patrimoine de Bréhat.

Deux types d’affiches présentes à Bréhat. D’autres pourraient être installées pour présenter les sites intéressants
Deux types d’affiches présentes à Bréhat. D’autres pourraient être installées pour présenter les sites intéressants

Permettre aux gens de se rendre compte de la richesse de ce patrimoine, c’est leur donner envie de s’y intéresser et de le protéger.

Je finirai par un dernier exemple: Marie-Perrine Durand, nommée gardienne du Phare du Rosedo en 1888 (puis du Phare du Paon pendant près de 40 ans) a semble-t-il été la première femme gardienne de phare en France. Epouse d’un gardien de phare, mère de deux gardiennes de phare, elle a aussi formé de nombreuses femmes à ce métier, à une époque où il était pourtant considéré comme «un métier d’hommes». Ne serait-il pas normal qu’au moins un des deux phares de l’île porte une plaque à son nom?

Mettre en valeur ce qui mérite de l’être, et rendre hommage à ceux qui ont fait l’Histoire de Bréhat, c’est aussi comme cela que Bréhat ouvrira l’œil et l’intérêt de ses visiteurs, et leur rappellera, si besoin, que ce qui existe ici est vrai.