L’agriculture, l’une des clefs pour une activité économique permanente

L’agriculture, activité traditionnelle, peut retrouver une nouvelle jeunesse en définissant une véritable vision agricole de notre île et en réservant des terres exploitées dans des filières courtes.

 

Notre expérience de plus de 30 ans de maraichage à Bréhat nous permet aujourd’hui de bien connaître le potentiel agricole de l’île.

 

  1. Une offre en produits agricoles insuffisante pour répondre à la demande

Nous constatons que la demande en produits agricoles est forte et que notre offre est aujourd’hui insuffisante pour y répondre. En effet, l’analyse de nos ventes et surtout de nos manques à vendre et de leurs évolutions montre que la clientèle de vacanciers mais aussi de bréhatins habitants à l’année est de plus en plus nombreuse à acheter nos produits, du fait de la diversification des produits, d’une part, et des lieux de vente, d’autre part, comme le marché au bourg, le marché libre service à la ferme (appelé « le petit marché »), vente aux restaurants ou boutiques de l’île (5 restaurateurs et une boutique achètent actuellement nos produits).

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Mais nous manquons de certains produits de façon récurrente en fin de marché au bourg : melons de Bréhat, petits fruits (fraises et framboises), fruits de Bréhat (prunes, raisin, abricots, pèches, pommes, poires, figues…), tomates ou salades par période. Par défaut, une compensation est assurée en partie par l’achat-revente, avec des déceptions sur la qualité gustative et la conservation des produits (pèches, abricots…) Nous manquons, également, de certains produits pour approvisionner régulièrement le « petit marché » à la ferme : fruits, petits fruits, salades ou tomates par périodes, melons, pommes de terre, de conserves pour proposer une gamme complète toute l’année (jus de pommes, pestos, sauces tomates, etc.).

Nous n’avons pas la capacité de fournir les restaurateurs et boutiques à la hauteur de leur demande actuelle, alors que celle-ci progresse d’année en année.

Pour autant les clients habitués sont réceptifs à tester nos nouveaux produits : algues, pestos, plantes aromatiques et nous sollicitent très souvent pour des œufs, du miel…

En ce qui concerne la ferme de Kervilon, nous n’avons pas l’intention d’accroître l’activité de la ferme au-delà de ce qui permettra de consolider les 4 à 5 emplois actuels, parce que nous souhaitons garder une ferme à taille humaine.

Ainsi, pour répondre à la demande, nous pensons que l’installation d’autres agriculteurs est possible et souhaitable.

 

  1. Exploitations agricoles existantes et potentiel en Equivalent Temps Plein (ETP)

Actuellement, sur Bréhat existent :

– notre ferme qui assure les activités suivantes : maraîchage et fruits sur 2 ha, récolte d’algues et atelier de transformation (4,5 ETP en moyenne sur l’année) ;

– 2 fermes agricoles en élevage bovin allaitant (2 personnes en double activité correspondantes à 1 ETP) ;

– 1 pépinière avec 2 ETP ;

– 1 ferme en vaches laitières en fin d’activité.

Ce qui fait en tout 8,5 ETP.

En faisant une analyse fine produit par produit, on peut estimer, avec l’installation d’autres agriculteurs sur l’ile, que le potentiel pour le développement agricole de l’île est de 18 (activité agricole stricte) à 24 (si on inclut la valorisation d’algues) ETP.

 

  1. Nécessité de définir une vision agricole de l’île

Nous pensons que la révision du PLU doit être l’occasion de définir ensemble la vision agricole que nous voulons pour l’île. Par exemple, l’exportation de pommes de terre de qualité et / ou de primeurs permettrait de renouer avec une tradition bréhatine et de cultiver une bonne image de l’île comme c’est le cas pour d’autres îles comme Batz, Ré, Noirmoutiers. De la même façon, nous pensons que du mesclun ou des plantes aromatiques vendues sur le continent pourraient constituer un bon débouché en hiver. D’autres créneaux nous paraissent très pertinents comme les produits transformés aussi bien pour les produits agricoles ou que les produits venant de la mer (algues, etc.) ou ayant à voir avec l’agriculture (plate-forme de compostage).

Il est alors nécessaire de prévoir une ou des zones artisanales dans le PLU.
Mais cela suppose aussi des besoins en matière d’équipements et de foncier.

De ces constats on peut déduire que les débouchés existent et qu’il y a donc un réel potentiel pour développer davantage l’agriculture sur l’île.

 

  1. Besoins en équipements et fonciers

Beaucoup de productions peuvent être mieux valorisées par de la transformation, notamment pour pallier les à coups de l’activité touristique. On peut penser à un atelier partagé, pour mieux utiliser les équipements et l’occupation de l’espace. Un atelier communal, loué aux utilisateurs, empêcherait tout risque de détournement de zone artisanale vers de la spéculation immobilière. La réserve foncière existante serait selon nous de l’ordre de 50 ha mais il serait intéressant d’avoir une estimation précise. Il nous semble important dans le futur PLU de préserver les terres agricoles, qui disparaissent actuellement au profit de jardins d’agrément ou de zones d’assainissement : il est très difficile pour les propriétaires de ne pas céder à la spéculation, et pour un agriculteur de rentabiliser une parcelle achetée aux prix pratiqués sur l’île.

Ainsi il faut réserver des zones pour des usages agricoles particuliers : tunnels /abris froids (pour la production maraichère notamment), pâturage sur les tertres, comme cela se pratiquait autrefois, des lieux d’activité artisanale algues (déjà cité) et ostréicole ou de compostage des déchets verts (par exemple à Chicago)

Les lieux de stockage, conditionnement, transformation peuvent en partie être collectifs, et propriété de la commune, loués aux utilisateurs pour garantir leur usage dans le temps.

La rentabilité de petites fermes est possible, si on augmente la valeur ajoutée par les circuits courts (vente directe notamment), par la mutualisation d’équipements (dans le cadre d’une coopérative d’utilisation de matériel agricole, ou par un magasin de vente collective), par des produits de qualité (le label Agriculture Biologique étant le mieux reconnu) ou par la transformation des produits (notamment lors de saisons creuses, hors vacances)

Mais il y a aussi les handicaps de l’insularité, qu’il faut limiter du plus possible :

– limiter les temps de transport, les besoins en surveillance, en regroupant au mieux les parcelles auprès des fermes

– avoir un consensus le plus large possible autour de l’activité agricole, qui est l’affaire de tous, par les paysages qu’elle façonne, le maintien d’une population à l’année et la nourriture qu’elle produit.

Par François Le Tron et Marion Regler