L’association Bréhat vit : un acteur incontournable

Bréhat Murmure : Pourquoi avez-vous créé « Bréhat vit » ?
Association Bréhat Vit :
Nous avons créé Bréhat vit il y a deux ans suite à une menace de fermeture de classe en juin 2014.
Nous étions en contact avec des familles qui souhaitaient s’installer ou des personnes déjà installées sur l’île (en situation précaire) mais qui n’avaient pas de soutien logistique sur place.
Partant de notre propre expérience, nous constatons qu’il est extrêmement compliqué de trouver un logement à l’année sur Bréhat, surtout quand les personnes candidates n’habitent pas sur place et n’ont pas de famille déjà installée.
Nous avons donc créé cette association afin d’apporter un soutien logistique, administratif et moral à ces familles dont les demandes ont souvent mis du temps à aboutir. Le lien que nous avons tissé avec toutes ces personnes perdure d’ailleurs bien après leur arrivée.

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Maud Galant et Yves Trimaille

BM : Quel est l’objet social de votre association ?
Association Bréhat Vit :
L’objet social ainsi que les moyens de l’association figurent à l’article 3 de ses statuts ainsi :
L’association Bréhat vit a pour objet l’aide à l’accueil de nouveaux résidents sur l’Ile de Bréhat.
Les moyens d’action de l’association sont notamment :
– l’aide à la recherche de logement,
– assurer un soutien logistique, administratif, matériel, financier et humain à l’installation de nouveaux résidents.
Les moyens énumérés ci-dessus étant indicatifs et non limitatifs.
De fait le dynamisme de l’île, l’accès au logement, le maintien d’une vie à l’année sur Bréhat, le développement de l’agriculture sont des problématiques qui sont au cœur de notre action. Nous faisons le lien entre les personnes, les bailleurs sociaux, la municipalité et nous travaillons parfois avec d’autres associations.
Nous essayons aussi de faire avancer le débat car habiter à Bréhat pour des personnes ayant des revenus moyens suppose dans la plupart des cas de se cantonner à un logement social sans aucune autre perspective à long terme.

BM : Avez-vous eu des résultats tangibles et lesquels ?
Association Bréhat Vit :
Le premier résultat est celui du maintien du projet pédagogique scolaire avec ses deux classes sur Bréhat.
Depuis que l’association a été créée, plusieurs familles ont réussi à s’installer, certaines par leurs propres moyens et d’autres avec notre soutien.
Mais il y a encore du travail, certains habitants sont dans une situation précaire et supportent beaucoup de désagréments liés au logement (pas de location pérenne/
obligation de déménager régulièrement/ logements parfois mal isolés, inconfortables et très énergivores voire insalubres)
Nous avons aussi connu des échecs, des départs ou des démotivations parce que le projet de vie sur une commune comme la nôtre prend du temps.
Vivre à Bréhat est une équation à plusieurs inconnues qui suppose de conjuguer à la fois le logement, un projet professionnel compatible avec l’île et une motivation parfois mise à rude épreuve.
Ce qui est intéressant, c’est que les nouveaux arrivants apportent également de nouveaux horizons en termes d’activité professionnelle et économique, de projets de vie et de lien social entre les habitants.

BM : Comment la commune peut-elle se mobiliser pour disposer de logements à l’année ?
Association Bréhat Vit :
Avant de répondre à cette question tentons de dresser un état des lieux du logement sur l’Ile de Bréhat.
Sur l’île peuvent être recensés deux types de logements :
– ceux dédiés au tourisme prenant la forme de résidences secondaires ou de locations saisonnières,
– ceux bénéficiant aux résidents permanents, actifs ou retraités, propriétaires ou locataires à l’année sous forme de logements sociaux ou non.
Du fait de l’évolution économique de la deuxième moitié du vingtième siècle, du cadre environnemental de l’île qui a attiré une population aisée et de l’étroitesse du marché immobilier, s’est installée une spéculation immobilière aboutissant actuellement à un taux de 80 % de résidences secondaires. Cette situation fragilise de fait la vie à l’année sur l’île. Il y a très peu de locations à l’année et l’accès à la propriété est très difficile parce que le prix des maisons est très élevé et que s’ajoute un budget travaux colossal. Il y a donc une double problématique : les locations à l’année et l’accès à la propriété.
Pour nous, il serait intéressant de prioriser l’accès à la propriété car cela permettrait de libérer des locations et de mettre en place un roulement dans les logements HLM : trop de personnes sont malheureusement obligées de rester locataires pour une très longue période, voire toute leur vie.

Plusieurs pistes peuvent être explorées :
-La construction de nouveaux logements sociaux, la municipalité a d’ailleurs évoqué la volonté de construire 15 logements sociaux en partenariat avec Côtes d’Armor Habitat d’ici les 20 prochaines années.
-La réhabilitation de logements existants (en effet, certaines propriétés demeurent inhabitées) soit à but locatif soit en accès à la propriété. Ces réhabilitations présenteraient l’avantage de freiner les constructions neuves et de réorienter la destination de bâtiments (résidence secondaire /résidence à l’année). Une grande maison peut tout à fait être divisée en plusieurs appartements.
Nous avions aussi sollicité les bâtiments publics qui ne servent plus comme la Poste et le Rosédo, ces demandes n’ont pas abouti mais la politique de ces organismes en matière de patrimoine peut évoluer…à notre avantage.
-Le rachat en SCI de maisons par des groupements d’habitants.
-La création de constructions partagées.

BM : Que pensez-vous du projet de logements partagés que développent actuellement certains habitants de l’île ?Association Bréhat Vit :
On constate qu’entre les projets de construction de logements sociaux à loyers encadrés et la capacité à accéder à la propriété à des prix hors de portée sinon pour des personnes aux revenus se situant au dessus de la moyenne nationale, il n’existe pas à l’heure actuelle sur l’île de marché immobilier locatif et d’accession à la propriété pour le classe moyenne.
Toute une réflexion doit avoir lieu pour créer les outils nécessaires à la résolution de cette problématique.

Dans ce cadre, la mobilisation de certains habitants autour d’un projet de logements partagés appelle un réel intérêt.
Nous les soutenons depuis le début de leur démarche. C’est un projet très intéressant car il permet de répondre à la problématique d’accès à la propriété tout en ouvrant une réflexion sur les enjeux actuels de l’habitat.
La démarche du collectif qui s’est créé en novembre essaye de répondre aux besoins des habitants, tout en respectant le PLU et les priorités de la municipalité quant à la gestion du foncier.
C’est une réflexion qui va au-delà des modèles traditionnels d’habitation. Le projet s’inscrit dans une perspective écologique puisqu’ils s’orienteraient sur une éco-construction partagée avec la volonté de mutualiser des besoins (buanderie, parc à vélo, chambres d’amis…) pour économiser l’espace.
L’idée est très innovante et pourrait, à terme, être citée comme exemple de solution alternative.

Pour nous, voir des personnes se mobiliser pour leur avenir et investir l’espace démocratique nous donne beaucoup d’espoir.
Nous espérons sincèrement que ce projet pourra aboutir et Bréhat vit sera, bien entendu, aux côtés de ceux qui le portent.