Le débarquement des marchandises – Introduction

Danouchka Prigent et Henri Simon conseillers municipaux,
Gaby Cojean, Stephan Morlevat, François Yves Le Thomas

Le débarquement des marchandises est un sujet qui pose problème depuis de nombreuses années. Il nous a paru intéressant et apaisant, dans le contexte actuel un peu trouble, de proposer une réflexion qui permette de se saisir collectivement de cette problématique.
Le débat est ouvert, il est ouvert à tous

La citation à comparaitre devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc délivrée contre le maire et Antoine Tartault par des riverains de la grève de l’église, en décembre dernier, a fait l’effet d’une bombe à Bréhat. Un élan de solidarité sans précédant s’est constitué pour soutenir les deux mis en cause. De nombreuses personnes leur ont exprimés à travers une pétition qui a recueilli près de 1500 signatures tout de même. Mais s’en sont suivies, aussi, de nombreuses invectives et fausses informations, des fake news comme on dirait aujourd’hui ou infox.
Il est évident que, même si cette procédure devait aboutir à une condamnation, ce que nous ne souhaitons pas, elle ne règlera rien et la question que pose l’utilisation de la grève de l’église restera en suspend encore pendant longtemps.

Le Port Clos, la barge de la CCI et la vedette
Le Port Clos, la barge de la CCI et la vedette

Pendant cette période, un peu trouble, notre ami Jean-Charles Le Cor a eu l’idée de créer une association chargée de réfléchir et de débattre pour proposer des solutions aux élus afin de sortir de la posture de râleur. Une sorte de Think-tank fait par des habitants de Bréhat pour réfléchir et proposer des solutions pour l’avenir de notre île.
A Bréhat murmure nous nous sommes dit voilà une excellente initiative.
Il faut, en effet, réfléchir et débattre des problèmes que rencontre notre île pour trouver, collectivement, des solutions acceptables par la majorité des habitants, légales et durables dans le temps.

Alors chiche ! Réfléchissons ensemble….

Réfléchissons à ce qui pose aujourd’hui problème : le déchargement de marchandises transportées par mer sur notre caillou.

C’est un problème ancien qui est difficile à résoudre.
Nous pensons que le moment est venu de se saisir de ce sujet dans sa globalité pour arriver à une décision qui puisse être satisfaisante pour tout le monde.
Il sera évidemment question de la grève de l’église. Mais il faudra aller bien au-delà. Car contrairement à ce qui se raconte çà et là, la question de la grève de l’église en tant que site de déchargement n’est pas réglée une bonne fois pour toute depuis 1996, loin s’en faut.
Ce qui a été décidé à l’époque c’était de construire, après une procédure légale, un chemin de roulement.

Le fonctionnement de ce site en tant que zone de déchargement est un autre sujet car il suppose des aménagements spécifiques
Car la législation en matière d’environnement s’est considérablement durcie depuis lors et particulièrement ces dernières années.
On ne le rappellera jamais assez, il n’est pas possible de se targuer d’être le premier site naturel protégé en France en 1907 et s’asseoir sur la loi. La loi est applicable à Bréhat comme partout ailleurs même si on peut le regretter.
Comme le disait, le juriste romain du IIIe siècle, Domitius Ulpianus : « Dura lex sed lex », la loi est dure mais c’est la loi.

Donc pour réfléchir au débarquement des marchandises il faut d’abord et avant tout s’intéresser au droit qui s’applique.

Différents textes protègent Bréhat à plusieurs titres.

Tout d’abord une bonne partie de Bréhat est un site classé. Selon l’article L341-1 du code de l’environnement un site classé est un site dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général.

Pour être précis et exhaustif, Bréhat est ainsi classé, chronologiquement :

Par arrêté du 14 février 1929 pour les terrains appartenant à M. Haraucourt ;
Par arrêté du 09 mai 1940 pour le moulin à marée ;
Par arrêté du 26 mars 1980 pour l’ensemble constitué par le domaine public maritime de l’archipel ;
Par décret du 30 juin 1980 pour l’archipel de Bréhat ;
Par arrêté du 03 juillet 2007 pour l’ensemble des terrains appartenant à la commune.

Il résulte de ces classements que toute modification de ces sites suppose la délivrance d’une autorisation spéciale. (article L. 341-10 du code de l’environnement).

Ensuite Bréhat est également protégé au titre de la biodiversité.

Il s’agit :

  • d’un site Natura 2000 FR531 0070 – Tregor Goëlo inscrit au titre de la Directive Oiseaux, arrêté en vigueur depuis le 30/07/2004.
  • d’un site Natura 2000 FR530001 0- Tregor Goëlo inscrit au titre de la Directive Habitat, arrêté en vigueur depuis le 04/05/2016.

Dans ce domaine les choses se compliquent car pour ces sites toute destruction ou modification est interdite selon l’article L. 411-1 du code de l’environnement sauf à démontrer que les travaux sont fait dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique. (article L, 411-2 du même code).

Enfin la plupart des sites qui nous intéressent relèvent du domaine public maritime de l’Etat, lequel doit délivrer une autorisation pour pouvoir les utiliser.
Donc pour choisir un lieu de débarquement de marchandises comme la grève de l’église, qui suppose des aménagements susceptibles d’avoir une incidence directe ·sur les milieux terrestres et marins, il faudra faire une étude d’opportunité complète.
Celle-ci devra mettre en œuvre la séquence éviter-réduire-compenser (ERC) qui a pour objectif d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire celles qui n’ont pu être suffisamment évitées et, si possible, de compenser les effets notables qui n’ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits.
En fait il s’agira d’exposer les alternatives au projet retenu pour démontrer que le scénario d’aménagement choisi est le moins impactant vis à vis de la sensibilité du milieu.

Le matériel de la société Bréhat logistique pour débarquer les marchandises à la grève de l’église
Le matériel de la société Bréhat logistique pour débarquer les marchandises à la grève de l’église.

Comme on le voit, à supposer que nous options pour la grève de l’église comme site de déchargement de marchandise, il faudra étudier les autres possibilités pour démontrer que c’est celui-ci qui est le moins impactant pour l’environnement.

Or cela suppose une étude approfondie et demande du temps. La réalisation d’une étude d’impact et surement d’une enquête publique sera également nécessaire

C’est très pénible, chronophage et coûteux mais on ne pourra pas en faire l’économie si on veut construire quelque chose de légal, donc de durable.
Dans cette logique nous avons tenté d’apporter notre contribution à cette réflexion pour avancer dans ce dossier.
Ainsi il nous parait indispensable d’étudier certains des cas de figures aujourd’hui pour le déchargement des marchandises à savoir :

  • la grève de l’église,
  • le Port Clos
  • la Corderie

Goareva, ancien site du canot de sauvetage Goareva est un site qui a été exclu par le rapport Technmar, mais dans la discussion avec les habitants il revient souvent comme alternative. C’est pour cela que nous l’avons retenu.
Evidemment nous n’avons absolument pas la prétention de faire une étude complète telle qu’il faudrait la faire. Nous apportons simplement nos contributions au débat qui devra se tenir un jour ou l’autre.
Pour faire cet article nous avons utilisé différents documents et rapports qui existent.

Il s’agit principalement :

– du rapport de « faisabilité d’un quai dédié au fret » à la grève de l’église réalisé par les services du Centre d’Etudes et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) 2017 fait à la demande de la commune de Bréhat.

– de « l’étude sur le transport de marchandises entre le continent et Bréhat » rédigée pour le conseil départemental des Côtes d’Armor par le cabinet SOGREAH 2000.

-de l’étude pour « l’amélioration des ouvrages dans le cadre du transport maritime entre le continent et l’île de Bréhat » 2005 pour le conseil départemental par Techmar.

– Nous avons également consultés des juristes, des marins des techniciens, des anciens conseillers municipaux et des personnes qui ont déjà réfléchi à la question.

 

Dans les articles qui vont suivre nous aborderons :

 

  1. La situation actuelle
  2. Les contraintes auxquelles nous sommes soumis
  3. Le détail des 4 hypothèses avec pour chacune ses avantages et ses inconvénients
  4. Une conclusion provisoire et notre proposition pour avancer

 


EN RÉSUMÉ

Pour être conforme au droit de l’environnement, il faut étudier, avant de choisir un site de débarquement des marchandises, les alternatives possibles et démontrer que celui qui est retenu est le moins impactant pour l’environnement et qu’il est adopté dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique.

Donc quelques soit l’option que nous choisirons, et la grève de l’église en est une sérieuse, il faudra étudier les autres possibilités qui se présentent à nous à savoir : le Port Clos, la Corderie et l’ancien canot de sauvetage à Goareva. D’autres possibilités peuvent être envisagées. Une étude d’impact et une enquête publique devront être réalisées.