Par Olivier Carre
Le financement des logements à Bréhat est possible, des outils existent.
Lorsqu’ on demande aux personnes qui sont venues s’installer à Bréhat pour y travailler quel a été leur principal problème, la réponse est le logement. C’est aussi le cas sur toutes les îles du Ponant.
Lorsqu’on arrive, il est difficile de trouver une location à l’année.
C’est logique dans la mesure où la plupart des propriétaires de résidences secondaires souhaitent les occuper plusieurs semaines par an et que de plus, il peut être plus intéressant financièrement pour eux de louer quelques semaines pendant les vacances plutôt que douze mois complets. Pour ces raisons, certains, en recherche de logement sur l’île se sont vus proposer une location de neuf mois avec l’obligation de libérer les trois mois d’été. C’est loin d’être l’idéal.
La seule autre solution est d’acheter sa maison; cela nécessite, plus encore à Bréhat qu’ailleurs, une capacité financière très importante à ajouter à l’investissement dans l’outil de travail que la personne souhaite développer. L’offre de logement est un sujet d’actualité car la commune est en phase d’élaboration de son PLU. Le problème est parfaitement posé dans le document très Intéressant qu’est le « Diagnostic de Bréhat »
Je cite : « Cela invite à une réflexion de fond sur l’offre en logement. La commune souhaite attirer les familles et jeunes ménages pour renouveler sa population. L’enjeu réside dans la capacité à assurer une offre de logements diversifiée, à des coûts adaptés aux ressources des ménages compte-tenu du contexte foncier et immobilier très tendu sur l’île. »
Si la question est bien posée, la réponse proposée à ce jour est insuffisante. En effet, lors de la réunion de présentation du PADD (Plan d’Aménagement et de Développement Durable), la municipalité a confirmé que le plan inclurait 20 logements sociaux sur 15 ans (5 nouveaux logements et quinze en réhabilitation dans du bâti existant). C’est une bonne chose car cela répond clairement à une demande existante et permanente. A la question de savoir si le nombre de vingt est suffisant, la réponse est a priori non. En effet, le « point mort » calculé dans le diagnostic est au-dessus de 2 logements par an.
Il faut donc trouver d’autres solutions pour au moins une quinzaine de logements.
Lors de cette réunion, une autre question a été posée :
La municipalité envisage-t-elle de faciliter la location à l’année pour des gens dépassant les critères sociaux ou souhaitant un logement différent. Pour offrir cette possibilité tout en en gardant le contrôle, la municipalité devrait acquérir quelques logements/résidences qu’elle proposerait à la location annuelle. Plusieurs réponses ont été apportées par la municipalité qui appellent quelques commentaires.
-Il n’y aurait pas de demande effective. Étonnant, car, quand on interroge les personnes ayant fait face à ce problème, c’est surtout l’offre qui fait défaut. De plus, le diagnostic reconnaît clairement « une offre locative à l’année insuffisante ».
-Si la commune achetait un logement à 400 000 euros par exemple, elle utiliserait l’excèdent budgétaire de deux années complètes ce qui l’empêcherait d’initier d’autres projets pendant cette période. Cette réponse est exacte si l’on ne veut pas faire appel à l’emprunt. La commune a toujours eu une gestion rigoureuse et prudente qui lui permet de ne pas être endettée aujourd’hui. Mais en investissant dans l’immobilier à Bréhat, qui peut affirmer que l’on prend un risque ? Ne fait-on pas au contraire un investissement avisé ?
Reprenons l’exemple de la maison à 400 000 euros et imaginons que la commune investisse 100 000 euros supplémentaires en frais de réhabilitation et d’aménagements spécifiques pour une location à l’année de bon niveau. Au taux actuel d’emprunt, avec un remboursement sur quatre mandatures, le montant annuel à rembourser serait de l’ordre de 25 000 euros par an.
La gestion de la location ainsi créé serait déléguée à une agence immobilière professionnelle, rémunérée par une commission sur la location. La commune n’aurait pas de charges d’exploitation à l’exception de la taxe foncière et percevrait des loyers annuels de l’ordre de 10 000 euros.
Le coût annuel pour la commune pour un logement serait donc de l’ordre de 15 000 euros. Ce qui semble tout à fait supportable lorsqu’on peut se prévaloir d’un excédent d’exploitation de l’ordre de 200 000 euros, comme c’est le cas actuellement.
L’idée serait d’acheter deux logements par mandature de 6 ans. Si ces logements sont tous loués, la mandature suivante continue le processus. Si une maison n’est pas louée, le processus est mis en stand-by. Dans le pire des cas, si une maison reste inoccupée plusieurs années, la commune peut la mettre à la location estivale ou la revendre, très probablement sans perte au final.
Sur la période considérée dans le PADD, à savoir quinze ans, la commune proposerait ainsi 5 locations supplémentaires à l’année.
Il manque encore quelques logements pour atteindre l’objectif de 35.
-La commune a indiqué dans le PADD que, au-delà des 20 logements sociaux, la demande serait satisfaite par les initiatives des particuliers. En consultant le diagnostic de la commune, on peut voir qu’il n’y a eu que 7 constructions nouvelles en 10 ans. S’il est vrai que, en 2011, une maison a été construite et mise à la location annuelle, c’est une exception et la commune n’a aucun contrôle sur ce bien et sur la pérennité de ce schéma. Si des initiatives privées voient le jour, il faudra bien-sûr les encourager et peut-être les aider mais il est peu probable que cela suffise à régler le problème.
Il faudrait donc mettre en place des incitations pour que des maisons proposées à la location d’été soient demain proposées à la location annuelle. A minima, il faudrait proposer une subvention de la commune qui viendrait compenser le manque à gagner de la location annuelle. Il faut étudier un tel schéma
en s’appuyant sur les données du marché immobilier mais on parle à priori de quelques milliers d’euros par an.Certains vont commencer à penser qu’en additionnant tous les coûts mentionnés ci-dessus, la charge sera insupportable pour le budget. Mais il existe d’autres schémas qui pourrait permettre à la commune de partager la charge restante tels que la création d’une SEM (Société d’économie mixte) ou une SCI (société civile immobilière) ou la mairie garderait la majorité des parts pour conserver le contrôle. D’autres investisseurs publics ou privés apporteraient le complément. Il faudra bien sûr étudier tout cela plus en détail mais l’objectif est primordial : enrayer le déclin de la population de l’île qui, à terme, se traduira forcément par un appauvrissement économique, social et culturel.
Même si l’on met en œuvre toutes les solutions proposées précédemment, on ne répond pas à l’un des objectifs principaux des français, à savoir devenir propriétaire de sa résidence principale.
-Le coût élevé de l’immobilier à Bréhat rend cet objectif irréalisable pour beaucoup de prétendants à la vie sur l’île. Pour la commune et pour l’île, une personne qui réside à l’année et qui travaille sur l’île apporte beaucoup. Il faudrait donc, dans la mesure du possible et le respect de la législation développer l’aide à l’accession à la propriété.
Pour ce faire, il peut être envisagé d’étendre le principe de la location annuelle à l’acquisition avec un schéma dont les grandes lignes seraient :
La personne souhaitant accéder à la propriété commencerait par louer à l’année (tel qu’indiqué ci-dessus) selon les modalités d’un bail classique courant sur 3/6/9 ans. Au bout de neuf ans de résidence et de travail sur l’île, le bail serait transformé en crédit-bail avec option d’achat au bout de 11 ans, à condition de toujours travailler sur l’île.
Il parait en effet juste que quelqu’un qui aura vécu et travaillé sur l’île pendant vingt ans puisse acquérir sa résidence principale s’il le souhaite, et ce même si le marché immobilier est élevé.
Pour terminer, s’il faut parler de ce sujet maintenant, c’est parce qu’il devra s’inscrire dans le nouveau PLU d’une manière ou d’une autre. En effet, la commune devra certainement préempter des maisons mises en vente. Or une préemption n’est possible que dans le cadre d’un projet défini et bien élaboré.
Inscrire un tel projet dans le PLU ne peut qu’apporter un plus à la commune et ne présente pas de risques réels. Alors, après avoir fait le bon diagnostic, il faut mettre en œuvre toutes les actions possibles pour régler ce qui reste le problème principal de l’île pour son futur.