Le zonage de l’île Nord

Les zonages dans le projet municipal

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Les zonages modifiés ou ajoutés dans notre projet.

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Les propositions de la municipalité (cliquer pour agrandir)

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Nos propositions (cliquer pour agrandir)

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Comme nous l’avions constaté dans le numéro 6 de Bréhat Murmure, pratiquement toute l’île nord est classée en espace naturel remarquable. (vert foncé). Ne reste que quelques zones en espace naturel (vert claire) et zone agricole (blanc). Se rajoute un espace dédié au futur nouveau cimetière qui devrait voir le jour à coté de la chapelle Keranroux.

Nous avons expliqué que ce zonage n’était absolument pas pertinent et probablement illégal sur certains aspects.

En effet les dispositions des articles L. 121-3 et R 121-4 du code de l’urbanisme définissent de façon générale les espaces remarquables. Mais c’est la jurisprudence qui en en précise le contenu en examinant les situations réelles. Le classement d’un site dans d’autres catégories comme les Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistiques et floristiques  (ZNIEFF) ou les zones natura 2000 présument qu’il est remarquable. Mais cette présomption peut être réfutée. Dès 1998 le Conseil d’Etat a considéré que la qualification d’espaces remarquables ne devait s’appliquer qu’aux espaces naturels les plus remarquables, les zones urbanisées ou altérées par l’activité humaine ne pouvaient être qualifiées d’espaces remarquables. Cette jurisprudence a été confirmée très récemment par un arrêt du Conseil d’Etat de mai 2018. (voir Conseil d’Etat 408068 30 mai 2018).

Cet arrêt mérite que l’on s’y attarde un peu.

Le contentieux qu’il tranche est relative à un PLU, celui de la ville de Sète. Il avait classé une zone en site non remarquable. Des associations environnementales ont contesté cela devant le tribunal administratif, puis la Cour administrative d’appel de Marseille. Ces juridictions ont annulé le classement du PLU de Sète en estimant que la zone en question était remarquable. Mais le Conseil d’Etat a donné raison à la commune. Les conclusions du rapporteur public, magistrat qui propose une solution au Conseil d’Etat, sont éclairantes.

Il estime que « la cour pouvait et même devait prendre en compte la consistance du boisement à savoir qu’il était en l’espèce vierge de construction et sa proximité avec le bois des Pierres Blanches, lui- même protégé, n’est pas indifférente [..]. Elle ne pouvait pour autant s’abstenir de rechercher si la qualification de site remarquable, qui ne peut être déduit de la seule proximité avec un site protégé, était justifiée en considération de ses qualités propres alors, au demeurant, que le seul élément relevé est précisément l’absence d’intérêt particulier des essences présentes et qu’en défense devant elle, la commune avait avancé de nombreux éléments justifiant de l’absence d’intérêt d’une zone en partie dégradée compte tenu notamment de son anthropisation ».

Pour faire plus simple il faut s’intéresser à la qualité propre de chaque zone.

Or dans l’île nord de nombreux espaces sont urbanisés ou altérés par l’activité humaine.

En tenant compte de ces éléments et de la nécessité de permettre le maintien, voire le développement, de l’agriculture ilienne ainsi que la nécessité de trouver des terrains propices à recevoir des constructions pour assurer le logement de nouveaux habitants, nous avons modifié le projet de PLU de la municipalité.

Nous proposons cinq modifications:

La première modification, (carré gris), consiste à créer une zone spécifique au site de la presse à ordure ménagère. Il s’agit d’une installation classée pour la protection de l’environnement dont le fonctionnement a largement pollué les alentours. Même si on admet l’abandon de cette presse, le site pourrait être utilisé pour une autre activité de la commune comme, par exemple, le traitement des déchets verts. Il faudrait donc créer un règlement spécifique pour cette nouvelle zone dans le PLU. Il pourrait préciser les installations possibles à cet endroit avec les contraintes d’intégration à l’environnement.

La seconde modification (hachures mauves) consiste à ajouter une zone correspondant à une activité économique qui a curieusement été omise par la municipalité. Il s’agit de l’entreprise Daigre. D’autres activités économiques pourraient être identifiées mais il s’agit d’activité à dominante agricole ou horticole. Pour plus de détails sur ce point voire les développements concernant l’île sud pour les zones économiques hors bourg. Il s’agit de la même logique.

La troisième modification (encadré en rouge) concerne le rajout d’un espace urbanisé. Nous pensons que, comme pour l’île sud, certaines zones méritent de bénéficier de cette qualification. D’autant que la zone proposée ne se trouve pas dans la zone problématique des 100 mètres du littoral. D’autres espaces urbanisés pourraient être identifiés et serait à discuter. En tout état de cause étant construite cette zone ne peut, de toute façon, être classée remarquable.

La quatrième modification concerne la suppression du projet d’installation d’un cimetière sur le site à coté de la chapelle Kéranroux.

Nous pensons que prévoir une extension du cimetière communal à coté de la chapelle Keranroux est une mauvaise idée. Il existe d’autres terrains disponibles. (voir nos propositions pour l’île sud).

Ensuite, lors de la rédaction du présent article la loi ELAN n’était pas encore adoptée. Or cette loi pourrait apporter des assouplissements à la loi littoral qui rendrait possible l’installation sur ce terrain de constructions dédiés à des logements pour des résidences principales.

De ce fait tout peut être discuté sur ce point.

Enfin, si la loi ELAN ne va pas dans le sens que nous venons d’indiquer, ce terrain serait bien plus utile en agriculture et plus précisément en horticulture.

Ce terrain, appartenant à la mairie, pourrait être mis à la disposition de la pépinière.

Avoir un champ d’agapanthes à la place de la prairie qui existe actuellement ne serait pas un désavantage.

Enfin la dernière et cinquième modification (en blanc vert), la plus importante, vise à transformer une partie de l’île nord en zone agricole qui était dans le projet municipal en zone agricole remarquable. Nous pensons que cela est une nécessité.

Un exemple : les vaches de Bréhat
Un exemple : les vaches de Bréhat

Cette approche est largement partagée par la Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor.

Sans nous concerter avec elle nous en arrivons aux mêmes conclusions. Elle l’exprime dans une lettre adressée au maire le 3 juillet 2018. Cette lettre n’a eu aucun effet sur le projet de PLU de la municipalité.

Pourtant cet avis précise clairement ce qu’il faudrait faire. Nous reproduisons une partie de cette lettre du président de cette institution :

Avis de Chambre d’Agriculture

(extrait)

« […] D’une manière générale, l’activité agricole est le socle de l’activité économique de nos régions et a toujours participé au façonnage et au maintien des paysages et du cadre de vie de nos territoires. L’activité agricole sur Bréhat connaît aujourd’hui une attractivité nouvelle, 4 exploitations sont encore en activité et plusieurs projets d’installation pourraient voir le jour, si les conditions sont réunies (accès au foncier, possibilités de construction…). Ces exploitations et les nouveaux projets s’intègrent parfaitement dans le contexte de l’île de Bréhat, avec de petites structures, souvent à forte valeur ajoutée, qui répondent principalement aux besoins et demandes des habitants et qui s’intègrent parfaitement avec les enjeux de protection environnementale et paysagère de l’île.

Une activité agricole dynamique peut apporter de nombreuses externalités positives pour votre territoire :

– Entretien des paysages ouverts et maîtrise du risque d’enfrichement

– Lutte contre la prolifération des nuisibles et des espèces végétales envahissantes

– Création d’emplois à l’année et saisonniers

– Approvisionnement local en produits agricoles

A contrario, si l’activité agricole professionnelle venait à disparaître, le paysage remarquable de l’île pourrait à moyen-long terme subir des modifications importantes avec une augmentation des friches et une fermeture de ces milieux, associées à un risque d’une perte de biodiversité importante.

[…]

Bien sûr, il nous faut pour autant prendre en compte que l’agriculture insulaire évolue dans un contexte complexe. En effet, l’accès au foncier est moins facile car il est souvent très morcelé, les possibilités de construction sont limitées par l’application de plusieurs protections (loi littoral, site classé, site inscrit…) et les bâtiments d’activité peuvent changer de destination en raison de la pression foncière et immobilière.

Nous comprenons et partageons l’objectif de préserver les caractéristiques remarquables de votre île, mais nous considérons que l’activité agricole peut et doit se maintenir voire se développer dans ce contexte. Nous pensons que les projets agricoles en cours et à venir pourront se réaliser dans le respect de toutes les règlementations.

 

Or le document tel qu’il est aujourd’hui rédigé nous apparaît trop restrictif sur certains points, renforçant les obligations législatives et pouvant remettre en cause l’installation de nouveaux exploitants, mais aussi le maintien d’exploitations existantes.

C’est pour cela que je vous demande de revoir plusieurs points de votre document :

Concernant le PADD

Dans votre PADD, vous déclarez que la municipalité souhaite préserver l’activité agricole qui souhaitable de le permettre participe activement à l’entretien des paysages et à l’identité de l’île. Nous partageons ce point de vue auquel nous ne pouvons qu’adhérer.

Toutefois, votre document comporte une certaine contradiction en affirmant vouloir « maintenir les terres agricoles » tout en limitant « fortement les possibilités de constructions » (y compris agricoles), même au-delà de ce qui est l’application de loi littoral sur les autres communes littorales du département. Il nous apparaît que le PADD peut évoluer sur ce point en évitant de trop limiter les possibilités de construction agricoles.

Concernant le règlement de la zone A

Le règlement de la zone agricole nous semble trop restrictif. En effet la loi littorale prévoit, dans les espaces proches du rivage, la possibilité de construire en continuité avec l’existant de façon limitée.

Or votre règlement nous semble beaucoup plus restrictif que la loi et de l’application qui en est faite sur les autres commune. En effet, vous ne permettez l’implantation d’aucun nouveau bâtiment agricole et le règlement n’autoriserait que des extensions fortement limitées (< 100 m²), pas toujours en adéquation avec une destination agricole. Nous souhaitons donc que votre règlement reprenne simplement les énoncés des articles de la loi et permette l’implantation de nouveaux bâtiments agricoles dans le respect de ceux-ci.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que l’île est également protégée par des sites inscrits et classés et qu’à ce titre, d’éventuels nouveaux bâtiments devront nécessairement s’intégrer dans le contexte paysager avoisinant. De plus, si des activités agricoles futures peuvent justifier d’un besoin de surveillance rapprochée, il est important qu’un logement de fonction trouve place sur le site agricole existant. Il est donc souhaitable de le permettre.

Concernant le classement en espace remarquable de la presque totalité de l’île NORD

Comme déjà exprimé à plusieurs reprises par la profession agricole sur l’île et aussi en réunion PPA, nous ne sommes pas satisfaits par le classement de la presque totalité de l’île Nord en espace remarquable. Ce zonage très restrictif condamne tout maintien et développement de l’activité agricole sur cette partie de l’île.

Je tiens à nouveau à préciser qu’avec les exploitants, nous sommes conscients des enjeux de protection de l’île, mais il nous semble, dans ce même but et pour tous les éléments exprimés en préambule, qu’un juste équilibre doit être trouvé entre une protection stricte et la mise en œuvre d’une agriculture s’intégrant parfaitement dans les lieux, permettant aussi, et peut être mieux, la préservation de ces secteurs en empêchant la fermeture et l’enfrichement des milieux. C’est pourquoi, je vous demande de classer en zone A, et pas Aer, les plaines entre Kervilon et le Rosedo et les plaines de St-Riom et Kerrien. Ce classement se justifie par l’utilisation agricole actuelle du secteur et la présence de 2 sites d’exploitation déjà existants. Sur ces mêmes secteurs, certains anciens bâtiments agricoles pourraient ainsi être réhabilités et d’autres pourraient changer leur destination et devenir agricoles. […] »

Fin de l’extrait de l’avis de la chambre d’agriculture. (Les points importants sont soulignés par nous.)

On ne peut être plus clair.

Nous partageons totalement cet avis.

Le soutien concret à l’agriculture bio et de qualité ne peut que permettre la préservation de la biodiversité et maintenir des paysages qui font le charme de notre île. Comme on peut le constater nous ne préconisons pas d’intégrer toutes les préconisations de la Chambre cependant une bonne partie.

Il est vrai, et il faut en être conscient, les services de l’Etat seront réticents à accepter une telle modification.

Notre municipalité se retranche en permanence derrière les limites de la loi et cette difficulté qui ne doit pas être sous estimée. Pourtant c’est un sujet essentiel qui conditionne la validité du projet agricole et donc économique de notre île.

Il est donc indispensable que notre municipalité se saisisse de cette question et entame enfin un cycle de négociations avec les services de l’Etat au niveau local voire au niveau central pour faire accepter cette nécessité.

Nous vous avons présenté les quatre modifications que nous proposons pour l’île Sud ainsi que les cinq modifications pour l’île Nord. Comme nous l’avons déjà expliqué, le PLU se compose d’un plan de zonage et de règlements associés à chaque type de zone. Nous ne traitons pas dans cet article des modifications aux règlements qu’entrainent nos propositions. Ce sujet sera traité dans un prochain numéro. Mais d’une manière générale, les règlements seront renforcés sur certains aspects tels que l’interdiction des changements d’affectation ou préciseront les critères de constructibilité d’habitations nouvelles ou d’agrandissements par rapport à l’unité foncière. Que vous soyez résident principal ou secondaire, vous serez concerné par le nouveau PLU qui va impacter les quinze prochaines années. Alors, nous vous invitons à comparer les deux projets proposés, vous faire votre idée propre et à l’exposer devant le commissaire enquêteur.

Il en va de l’avenir de notre île.